À quelques exceptions près, nous avons tous le sentiment d'avoir vécu ces derniers mois des moments à la fois dramatiques et exceptionnels, ressuscitant la mémoire collective d'événements traumatiques, tels que les krachs économiques (le spectre de la crise de 1929), les guerres civiles et mondiales (1870, 1914-1918, 1939-1945, etc.), les catastrophes naturelles (tremblements de terre, inondations et tsunamis) et, bien sûr, les « gran-des épidémies » (peste, choléra, typhus, grippe espagnole, sida, etc.) qui ont jalonné l'histoire mondiale. D'où la propension des acteurs sociaux à céder à des formes de rapprochements historiques de « sens commun » qui, loin de relativiser la situation actuelle, tendraient plutôt à valoriser des lectures catastrophistes qui ne sont pas sans conséquence sur les représentations, les attitudes et les comportements des responsables politiques et des citoyens ordinaires à l'égard de la pandémie. Néanmoins, comme le rappellent les historiens et les démographes, comparaison n'est pas raison : l'épidémie du Covid-19 apparaît beaucoup moins destructrice en vies humaines et en liens sociaux 1 que les précédentes pandémies qui ont traversé l'histoire de nos sociétés : « L'épidémie de coronavirus apparue en Chine en novembre 2019 est impressionnante par son ampleur et la rapidité de sa diffusion. Pourtant, elle est loin d'être une catastrophe sanitaire comparable à certaines pandémies du passé, de par sa relativement faible létalité, mais c'est la première qui aura entraîné le confinement de la moitié de l'humanité, soit plus de trois milliards d'hommes. L'anxiété que provoque l'épidémie liée au coronavirus Covid-19 est peut-être excessive. Pourtant, elle s'explique, entre autres, parce que cette maladie fait resurgir le souvenir de peurs ancestrales issues de la confrontation difficile de l'homme avec d'autres pandémies. La mémoire collective du Vieux Continent est, en effet, restée marquée par le souvenir de la calamité qu'a représenté la peste noire du XIV e siècle, qui fit disparaître en un an, entre 1348 et 1349, un bon tiers, voire la moitié de la population européenne. L'histoire de l'homme est ainsi jalonnée de maladies épidémiques. En plus de la peste et du choléra, s'ajoutent la variole, le typhus, la fièvre jaune, la grippe espagnole de 1918 et plus près de 1. À titre d'exemple, le sida a fait plus de 32 millions de victimes dans le monde depuis 1981. Source : ONUSIDA, https://www.unaids.org/fr/resources/fact-sheet.
CITATION STYLE
Geisser, V. (2020). L’hygiéno-nationalisme, remède miracle à la pandémie ? Populismes, racismes et complotismes autour du Covid-19. Migrations Société, N° 180(2), 3–18. https://doi.org/10.3917/migra.180.0003
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