L'espace public : au-delà de la sphère politique

  • Miège B
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Abstract

La question de l'espace public (EP) est à l'arrière-plan des débats et interrogations que sou-lève la communication politique. Pourtant, si les professionnels de la communication et les publicistes usent volontiers de l'expression quand ils ne se hasardent pas à en définir le concept, les spécialistes sont plus réservés. Ils le sont d'autant plus que Jürgen Habermas lui-même, plus de trente ans après la publication de sa célèbre Thèse d'Habilitation sur l'archéologie du prin-cipe de publicité dans les sociétés bourgeoises, adopte toujours une position nuancée, et encore en attente, sur le statut théorique de l'espace public contemporain. Certes, nous disposons maintenant d'un texte récent, une nouvelle préface 1 rédigée en 1990, à l'occasion de la 17ème édition de son ouvrage fondateur, dans laquelle l'auteur se montre à la fois moins enclin à mettre en avant le fonctionnement « systémique » des médias : « Ainsi les mass-médias ont aussi, à d'autres niveaux, des effets opposés. Nombre d'entre eux portent à croire que le potentiel démocratique de l'espace public... est frappé d'ambiguïté»', et toujours partisan d'une théorie normative et discursive de la démocratie, tout en concluant : «Je ne saurais en déterminer les conséquences pour une théorie de la démocratie. Peut-être cette analyse offrirait-elle une évaluation moins pessimiste qu'autrefois et présenterait-elle une perspective moins chagrine et simplement hypothétique ». On doit savoir gré à J. Habermas de cette position ouverte, et surtout de ce qu'elle signifie, à savoir la conscience de la complexité extrême des enjeux théoriques et pratiques du débat à nouveau engagé, un débat qui ne peut progresser par le seul recours à l'argumentation théo-HERMÈS 17-18, 1995 49 Bernard Miège rique, mais qui suppose, en raison même de l'évolution chaotique des sociétés industrielles « développées », la prise en compte de multiples éléments émergents, dont seule une observation empirique rigoureuse peut rendre compte. La question de l'EP n'a donc pas fini d'être posée, et par conséquent d'aviver les contro-verses. Présentement, il semble difficile à quiconque de nouer les fils d'un écheveau passable-ment embrouillé, et qui suppose des approches renouvelées. Mais comment ne pas s'interroger sur l'EP dans une publication traitant de la communication politique? Pour notre part, dans une conférence introductive à un colloque qui s'est tenu à Lyon (1991), nous avions tenté de montrer en quoi l'EP se perpétuait, tout en élargissant ses bases d'intervention et se fragmentant. Ce texte reprend et prolonge les positions exprimées lors de cette conférence, et entend s'opposer aux théories assimilant sans précaution aucune, ou comme s'il s'agissait d'une évidence, l'EP à sa composante « politique », l'EP politique. Certes, J. Habermas, lui-même, considère que l'EP politique constitue la « quintescence » des conditions de la communication, dans la mesure où il est le concept central et le « lieu » d'une théorie normative de la démocratie ; mais, précisément, si on peut lui faire le grief d'igno-rer assez largement le fonctionnement des médias contemporains, les stratégies de communica-tion des organisations et des appareils publics, ainsi que le maillage communicationnel qui se tisse à partir des nouvelles technologies de l'information et de la communication, on ne peut lui reprocher de réduire cet EP politique au champ de la représentation politique. Or c'est, nous semble-t-il, le travers auquel n'échappent pas de nombreux travaux de politologues, ou de socio-logues politiques, surtout de langue française, qui, trop exclusivement centrés autour de l'analyse des rapports entre dirigeants politiques, journalistes des grands médias audiovisuels et experts en marketing politique, en viennent de facto à réduire l'EP au seul noyau dur de sa composante politique. L'hypothèse défendue par ces auteurs ne nous paraît ni la plus défendable (même si les techniques du marketing politique ont connu un développement spectaculaire au cours de la décennie quatre-vingt, et sont aujourd'hui d'un usage courant), ni la plus pertinente. Elle ne per-met pas d'entrevoir ce qui est à l'oeuvre, de façon moins visible et moins accentuée, mais qui est sans doute appelé à marquer profondément les sociétés les plus « développées » sur la longue durée, voire à poser dans des termes différents le problème d'une théorie de la démocratie. Quels sont donc les éléments (parmi d'autres) qui conduisent à élargir nos façons de conce-voir l'EP? Quatre modèles de communication à l'oeuvre

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Miège, B. (1995). L’espace public : au-delà de la sphère politique. Hermès, n° 17-18(3), 49. https://doi.org/10.4267/2042/15207

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