Sans un minimum de définition du travail, pouvons-nous être sûrs de ce que signifie « le connaître ? ». Peut-on présenter une théorie des nombres, sans définir en même temps quel ensemble on vise ? Vise-t-on les nombres Naturels, Rationnels, Réels ou, au-delà, les Imaginaires ? Si on les définit comme l’ensemble des Réels, connaître des entités comme i2 = - 1 n’a aucun sens. Cette question de la définition du travail nous a personnellement toujours « travaillé » tant comme philosophe que comme acteur plus ou moins engagé. Et ce depuis 68, quand ce maître si ambigu que fut Louis Althusser, théorisant les « Appareils Idéologiques d’Etat », affirmait que, comme tous les sujets qui « marchent tout seuls », chacun — qu’il soit « ouvrier, patron, soldat » — occupe bien « la place » qui lui est désignée « dans cette vallée de larmes ». Etudiez les « places » (ici celles de la production sociale) et vous aurez tout ce que vous vouliez savoir sur le travail. Approche, je le reconnais, assez caricaturale, mais qui nous renvoie à un problème profond et récurrent : comment évaluons-nous les catégories et concepts par lesquels nous décrivons le travail, à distance relative de ce qui se trame en lui, dans sa durée opérative ? Et par là-même comment évaluons-nous, nous-mêmes, cette place sociale que nous occupons, comme spécialistes supposés du travail ?
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Schwartz, Y. (2010). Connaître et étudier le travail. Le Philosophoire, n° 34(2), 71–78. https://doi.org/10.3917/phoir.034.0071
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