Les nombreux témoignages relatifs aux relations tendues et parfois conflictuelles entre paysans et gestionnaires d'aires protégées ne peuvent laisser indifférents à une époque où la conservation manifeste une volonté croissante d'associer les populations locales à la gestion des zones préservées. En effet, à la suite de la mise sur pied de divers programmes de « gestion participative » tournant résolument le dos à une tradition écologiste d'expulsion des villages [particulièrement en Afrique de l'Est, voir Anderson & Grove, 1987 ; Grove, 1987], on aurait pu s'attendre à des résultats encourageants. Or, c'est souvent avec un certain malaise que ces projets se résignent au constat sinon d'un échec, tout au moins d'une lourdeur dans les relations avec les riverains. Par ailleurs, force est de constater que même les programmes qui font état de certaines réussites ne résistent pas à une confrontation à la réalité, leurs expériences reposant malheureusement encore trop souvent sur un partenariat embryonnaire et fragile. Cet embarras résulte à notre sens d'une irréductible divergence d'intérêts entre gestionnaires et habitants des aires protégées, les objectifs des premiers étant en quelque sorte inconciliables avec les réalités et les aspirations des seconds. L'exemple que fournissent les difficultés avec lesquelles les décideurs tentent d'associer les populations locales d'Afrique Centrale à la gestion d'aires protégées telles que les Réserves de Faune du Dja, au Cameroun, la Réserve de la Lopé, au Gabon, et le Parc National d'Odzala en République du Congo (voir carte ci-dessous), se prête bien à l'analyse du clivage mis en l'oeuvre dans un tel cadre. Il apparaît ainsi qu'en tant que champ d'application des législations occidentales, ces zones préservées sont souvent le théâtre de l'incompréhension entre les tenants de deux registres de représentation et d'utilisation du milieu forestier ; les décideurs ayant assigné une vocation touristique et scientifique à des terres qui jusque-là constituaient, et constituent encore, une source de vie pour ses habitants.
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Joiris, D. V. (1997). La nature des uns et la nature des autres. Civilisations, (44), 94–103. https://doi.org/10.4000/civilisations.1613
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