Histoire des homosexualités en Europe : un état des lieux

Abstract

Alors que l’histoire des homosexualités a fait l’objet, depuis les années 1970, de publications importantes dans les pays anglo-saxons, la France a tardé à reconnaître la légitimité de ce champ de recherche1. Le mouvement de libé- ration gay et lesbien des années 1970, initié aux États-Unis par les évènements de Stonewall et la fondation du Gay Liberation Front2 se traduisit,dans le champ universitaire, par l’émergence des gay and lesbian studies, qui marquaient une volonté de se réapproprier le passé homosexuel, d’abord par la mise en avant de figures « exemplaires» (Oscar Wilde,Walt Whitman, Magnus Hirschfeld, André Gide, Radclyffe Hall…) qui, pensait-on, avaient ouvert la voie de l’émancipation, puis par la redécouverte d’une histoire dont la trace avait été, volontairement ou non, gommée des récits officiels, et dont la mémoire, par- cellaire, n’avait souvent survécu que sous des formes mythiques ou apocalyp- tiques3. La mise en place, au sein des universités américaines, suite à la création de la Gay Academic Union, en mars 1973, de départements spécialisés en gay and lesbian studies, à côté et/ou en liaison avec les départements de women’s stu- dies, puis de gender et de queer studies, signifia le début de la légitimation scien- tifique4, tandis que l’existence d’un public potentiel de lecteurs gays et lesbiens intéressés par ces questions stimulait les politiques éditoriales. Aujourd’hui, en dépit des polémiques parfois violentes soulevées par le lin- guistic turn et la French theory5, et des divergences qui ont opposé gays et les- biennes sur les priorités de la recherche, il n’est pas possible de nier que les gay and lesbian studies, devenues aujourd’hui les LGBT Studies [LGBT pour Lesbienne, gay, bi et trans],ont non seulement considérablement enrichi notre connaissance de l’histoire des relations entre personnes du même sexe, mais ont également permis de renouveler, par un puissant effort théorique, la manière dont il est possible d’écrire l’histoire au sens large6.