L'exclusion est devenue en France un paradigme social. Ce mot révèle, en effet, un problème général à partir duquel la société dans son ensemble prend conscience d'elle-même et cherche des solutions aux maux dont elle souffre. Il renvoie en même temps aux angoisses de nombreuses franges de la population, inquiètes face au risque de se voir un jour prises dans la spirale de la précarité, et exprime le sentiment presque généralisé d'une dégradation de la cohésion sociale. Après avoir rappelé les principaux facteurs de l'émergence de ce paradigme, cet article tente à la fois d'expliquer son caractère équivoque et les malentendus qu'il entretient parfois dans le débat social et de formuler les éléments d'une réflexion sur les conditions de son usage en sciences sociales et sur les apports de la recherche. Il aboutit à la conclusion selon laquelle la notion commune d'exclusion est inévitablement placée au cœur du débat social et ne peut pas être en cela une catégorie de la pensée scientifique. Mais, en raison justement de sa diffusion dans le grand public et son entrée dans la sphère des politiques sociales, elle ne peut être évacuée par les chercheurs qui entendent analyser comment chaque société se régule par le rapport qu'elle instaure entre elle et les populations qu'elle considère comme « pauvres » ou « exclues ». C'est en ce sens que les recherches en sciences sociales proches de la thématique de l'exclusion ne peuvent être ni totalement étrangères aux expressions du sens commun qui expriment ce rapport social, ni totalement absorbées par elles. L'exclusion ne peut donc être pour les chercheurs qu'un concept-horizon ou, en d'autres termes, un indicateur d'une réalité qui reste à découvrir.
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Paugam, S. (1997). L’exclusion. Sociétés & Représentations, N° 5(2), 129–155. https://doi.org/10.3917/sr.005.0129
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