L’algoculture et ses contraintes géographiques en Chine 1 Les étendues à perte de vue des cultures marines sur le littoral de la Chine du nord offrent la sensation rare que les hommes peuvent enfin cultiver la mer. Elles nourrissent des hommes mais surtout leurs espoirs de nouvelle conquête agricole. Nous apportons ici une analyse géographique nécessaire de ces vastes cultures, de leurs contraintes et de leurs productions qui dans la nouvelle modernité chinoise sont en réalité sujettes d’autant d’espoir que d’inquiétude. 2 Les algues ne se réduisent pas aux phénomènes de marées vertes qui touchent les estrans de Bretagne (Gournay ; Le Délézir, 2011) ou de Chine. Présenter une thématique de recherche sur les algues, c’est tenter d’aller au-delà de la vision médiatique ou de l’opinion publique qui les perçoit en général de façon négative. Si nous changeons d’échelle et que nous portons un regard scientifique vers le monde asiatique, nous nous apercevons que l’algue est un végétal marin d’une grande valeur industrielle et commerciale cultivé intensivement depuis les années 1970 (les algues brunes cultivées s’échangent à 2 000 euros la tonne sur le marché mondial)1 . Les enjeux de cette culture sont aussi économiques, en permettant une main-d’œuvre nombreuse et en constituant une filière agro-alimentaire performante sur un des rares espaces de conquête agricole : l’estran et la zone marine littorale ; les enjeux sont écologiques : la culture des algues avec la culture des coquillages et des poissons participent par exemple positivement au bilan carbone chinois avec une capture officielle de 1,4 million de tonnes de C02 2009). en 2006 (Fang, 3 La culture des algues marines s’est développée en lien avec une industrialisation rurale endogène polarisée par le développement littoral du golfe de Bohai et son intégration au marché urbain des pôles dynamiques de Dalian, Tianjin et Pékin. L’étude de cette culture permet de présenter des particularités locales dans les mutations économiques du monde rural et la transformation des campagnes littorales analysée par Thierry Sanjuan (essentiellement pour les campagnes littorales méridionales du delta de la rivière des Perles) (Sanjuan, 1997). Dans les provinces littorales du Nord à l’image des campagnes du Sud dans les années 1980 et sous l’impulsion de bourgs dynamiques ou d’entreprises collectives, agriculteurs et pêcheurs se tournent vers des cultures plus rentables. Ici celle des algues ne concurrence toutefois pas l’espace agricole des rizières, des étangs à poissons ou de l’expansion urbaine. C’est une culture peuplante et fortement intégrée à un circuit agro-alimentaire national et à des réseaux commerciaux. Cette culture des algues nous donne un exemple de la pluralité des développements littoraux ouverts de plus en plus sur le monde comme le synthétisent Thierry Sanjuan et Pierre Trolliet (Sanjuan, 2007 ; Sanjuan, Trolliet, 2010)2 . 4 La culture massive des algues respecte des contraintes techniques qui en déterminent sa géographie mais subit pourtant aujourd’hui de nouvelles difficultés : la concurrence territoriale et les conflits d’usage sur un espace littoral en plein développement, des pollutions multiformes issues de l’intensification de leur culture, des pollutions fluviales, comme les risques industriels (récemment des deux grandes marées noires chinoises du golfe de Bohai à Dalian en juillet 2010 et depuis le 3 juin 2011 -plate-forme pétrolière Penglai 19-3- qui ont atteint la production agro-marine de zones exceptionnelles de culture intensive de la Chine littorale)3 . 5 Ce domaine de recherche peut être abordé d’un point de vue biologique et phycologique eu égard à la multitude d’espèces d’algues. Les algues rassemblent trois familles : les brunes, les rouges et les vertes. Au sein de ces familles, on dénombre plusieurs milliers d’espèces dont toutes les propriétés sont encore à identifier par les sciences phycologiques4 . À ces trois familles il faut rajouter une autre catégorie : ces macro-algues brunes, vertes ou rouges diffèrent elles-mêmes des micro-algues et leurs valorisations n’ont rien en commun. Notre article porte exclusivement sur les macro-algues, cultivées à des fins alimentaires ou industrielles. De par leur valorisation énergétique, les micro-algues sont une culture en devenir
CITATION STYLE
Litzler, S. (2012). L’algoculture et ses contraintes géographiques en Chine. EchoGéo, (19). https://doi.org/10.4000/echogeo.12913
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