Alain Testart, L’amazone et la cuisinière. Anthropologie de la division sexuelle du travail

  • Boulestin B
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Abstract

Dans un ouvrage de moins de deux cents pages, Alain Testart apporte un point de vue d'anthropologue innovant à des questions vives relatives au travail et au genre. Alors que l'accès des femmes aux métiers traditionnellement réser-vés aux hommes et vice-versa constitue un enjeu politique affiché, l'auteur dresse un état des lieux de la division sexuelle du travail. Le premier cons-tat porte sur l'équilibre de la charge de travail. Contrairement aux idées reçues, le travail des femmes n'est pas un fait moderne ; il est en re-vanche rendu visible par l'élargissement des horizons de ce travail. « D'étonnantes constantes » (p.9) à la fois géographiques et historiques sont repérées, à partir de la littérature existante. Par exemple, dans le champ de la fabrication, le tra-vail des matières dures par les hommes et des matières tendres, molles ou flexibles par les femmes, se traduit dans la société française d'aujourd'hui par un taux de féminisation du sec-teur textile le plus important de l'industrie. Pour interpréter ces constantes, comme l'exclusion des femmes des navires ou de la chasse, l'auteur réfute les explications naturalistes et rationalistes. Ce n'est pas une cause physiolo-gique liée à la force physique ou à la mobilité des femmes restreinte par la charge des enfants en bas âge qui entraînerait une spécialisation. Il montre notamment à partir du cas des Aborigènes australiens, que contrairement aux idées reçues, les femmes chassent mais n'utilisent pas les armes qui font couler le sang des animaux. C'est ce critère qui est discriminant. Il renvoie directe-ment aux croyances, aux interdits et aux tabous liés au sang des femmes. Chez les Inuit, les Pygmées ou les Aborigènes australiens comme dans les campagnes françaises lors de la fête du cochon, le critère de discrimination n'est pas le sang lui-même mais le sang jaillissant. Les femmes se tiennent à l'écart du geste qui fait jaillir le sang, mais peuvent prendre en charge les tâches les plus éloignées du moment de la mise à mort dans le travail de dépeçage, de transport ou de préparation des peaux. Parce que le symbo-lique l'emporte dans les représentations collec-tives, l'interdit s'étend au vin (le sang de la vigne) et au sel, aux fours gynécomorphes de la sidérur-gie. Gallimard, « Bibliothèque des Sciences Humaines », 2014, 192 pages, ISBN : 9782070143412 « Quand une tâche technique évoque trop for-tement le corps féminin dans ses dérèglements, les femmes en sont exclues […] on éloigne la femme non pas de ce qui serait trop différent d'elle, mais bien de ce qui est trop semblable » (p.64), donc aussi de l'agitation de la mer par tempête et des entrailles de la Terre (travailler dans les sous-marins de l'armée et dans les mines d'extraction leur reste interdit en France au-jourd'hui). C'est selon ce même principe qu'une femme ne peut perturber l'intérieur des corps, par similitude avec la perturbation que connaît son propre corps. L'usage des outils tranchants et coupants est réservé aux hommes alors que les femmes utilisent des outils à percussion diffuse (lancée, non coupante) et posée (coupante, non lancée), comme la faucille. Les outils féminins tra-vaillent la surface, seuls les outils masculins per-turbent le coeur des corps travaillés. La division sexuelle du travail, pour l'auteur, s'exerce donc à partir de la nature des gestes techniques qu'il re-quiert, et non selon la force physique ou la mobili-té requises. Alain Testart s'interroge alors sur les effets du développement de la mécanisation, qui déplace certaines tâches réalisées à la main et à domicile par les femmes vers des structures où l'échelle de production se modifie parfois en une véritable in-dustrialisation. La loi de répartition sexuelle du travail en fonction des outils ne tient plus. Selon l'auteur, cela s'explique par la confiscation par les hommes du pouvoir ainsi généré par l'activité économique, pouvoir qui s'exerce d'ailleurs initia-lement davantage envers d'autres hommes qu'envers les femmes. En conclusion, il est montré que la division sexuelle du travail, historique et universelle, s'explique par des croyances, par nature irration-nelles, mais puissantes : « Pendant des millé

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Boulestin, B. (2014). Alain Testart, L’amazone et la cuisinière. Anthropologie de la division sexuelle du travail. Études Rurales, (193). https://doi.org/10.4000/etudesrurales.10071

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