Parmi les concepts fodaneteurs de la sociologie rurale, en France mais aussi dans beaucoup d’autres pays, figurent en bonne place ceux de « paysan », de « paysannerie » et de « sociétés paysannes ». Toutefois ces concepts n’appartiennent pas en propre à la sociologie rurale car, à côté d’elle, on peut identifier plusieurs courants – en sociologie, en anthropologie et en histoire – qui en ont fait leur objet central d’analyse, courants que l’on peut qualifier d’«études paysannes » ou de «peasant studies» (en témoigne par exemple The Journal of Peasant Studies). Et, comme on va le voir avec Robert Redfield, il n’y a pas de superposition stricte entre ces courants et ceux de la sociologierurale, même si, d’évi-dence, des passerelles existent entre eux. Schématiquement, la sociologie rurale s’attache prioritairement à décrire les spéci-ficités des sociétés rurales et considère la paysannerie comme une catégorie historique destinée à disparaître avec la modernité. Les « études paysannes », pour leur part, se concentrent davantage sur la question de la place de la paysannerie dans la société, à la fois dans son ensemble et dans l’histoire. Il Études rurales, janvier-juin 2009, 183 : 41-50 n’y a pas d’« études paysannes » sans carac-térisation de la « société englobante » et de son évolution. La paternité de l’invention de la « paysannerie » comme concept d’analyse est difficile à attribuer, mais, parmi les auteurs auxquels on attribue fréquemmentl’élaboration et la clarification de ce concept, j’ai choisi ici de privilégier la contribution de Robert Redfield, un des plus cités – et des plus critiqués – des pères fondateurs. Henri Mendras a souvent dit ce qu’il doit à Robert Redfield, « premier inventeur des paysans », qu’il qualifie, dans un de ses derniers articles, de « charmant ethnologue » [Mendras 2000 : 540] ou d’« aimable universitaire américainamoureux du Mexique » [ibid.: 551]. Ces qualificatifs, quelque peu cavaliers, renvoient peut-être à l’élégance vestimentaire de Robert Redfield, dont témoigne la photographie qui accompagne sa biographie sur le site de la bibliothèque de l’Université de Chicago, mais ils apparaissent quelque peu décalés au regard des louanges ou des virulentes critiques formulées à l’encontre de ses théories, en particulier dans le pays où il a mené la plupart de ses enquêtes de terrain, à savoir le Mexique
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Deverre, C. (2009). Robert redfield et l’invention des « sociétés paysannes ». Études Rurales, (183), 41–50. https://doi.org/10.4000/etudesrurales.8908
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