Le renouveau de la biologie La biologie entre dans une ère où les percées fondamen-tales viendront des couplages entre théorie et expéri-mentation, et entre efforts analytiques et synthétiques. La biologie moléculaire est née avec l'apport décisif des physiciens, puis s'est institutionnalisée dans les années 1970. Il en va de même du renouveau de la biologie intégrative dans les années 2000. L'actuelle révolution s'annonce de même ampleur que la précédente. Elle bouleverse le processus de la découverte en biologie et l'ingénierie de la biologie. Selon la terminologie inter-nationale, ces deux aspects relèvent respectivement de la biologie systémique et de la biologie synthétique. Peu d'éléments de notre vie échapperont aux consé-quences de cette révolution, de la médecine jusqu'à la production d'énergie en passant par les biomatériaux. L'ampleur de ces bouleversements s'apparentera à celle des sciences de l'information depuis 30 ans ou de la chimie de synthèse un siècle plus tôt. La biologie systémique tente de comprendre les com-portements de réseaux biologiques d'interaction, en particulier leurs aspects dynamiques et leurs dévelop-pements spatiaux. Elle recourt typiquement à l'import transdisciplinaire des concepts et au couplage entre théorie et expérimentation. La biologie systémique offre accès à la logique du vivant (life's design principles). Il est naturel d'ensuite appliquer ces principes pour syn-thétiser des systèmes biologiques. C'est l'objectif de la biologie de synthèse, dite « synthétique », l'ingénierie de la biologie : la conception rationnelle et la construction de systèmes complexes basés sur ou inspirés par le vivant mais dotés de fonctions absentes dans la nature. Cette perspective d'ingénierie peut s'appliquer à toutes les échelles des structures biologiques-des molécules individuelles aux cellules, tissus et organismes. Ici, la nouveauté réside dans l'attitude scientifique, plus synthétique qu'analytique, et donc dans le typage des questions et réponses scientifiques. L'exemple du rythme circadien permettra d'illustrer la complémentarité entre biologies systémique et syn-thétique. Le rythme circadien est celui qui règle nos jours et nuits selon un cycle proche de 24 heures. Les généticiens ont découvert, il y a longtemps, les gènes et protéines impliqués dans ce rythme biologique. Cepen-dant, l'explication scientifique du phénomène cyclique n'est pas venue des généticiens mais des modélisateurs comme Albert Goldbeter à l'Université libre de Bruxelles (Belgique) qui ont montré comment les produits de ces gènes contribuent collectivement à un oscillateur qui règle le rythme circadien [1]. C'est un joli cas de succès scientifique de l'approche par la biologie systé-mique. Imaginons maintenant qu'une entreprise confie à son ingénieur biologiste le soin de réaliser une hor-loge biocompatible rythmant une pompe à insuline, à implanter dans le corps d'un diabétique. Cet ingénieur, ayant compris les principes de l'oscillateur circadien, cherchera à les réutiliser dans un contexte différent et avec des paramètres altérés (par exemple, son cahier des charges spécifie un cycle d'une heure plutôt que 24 heures). Il va mettre sur pied un modèle mathémati-que inspiré de celui du rythme circadien (modélisation), le « faire tourner » avec l'ordinateur (simulation), modifier des paramètres (investigation) jusqu'à res-pecter le cahier des charges. Il va ensuite réaliser les constructions nécessaires par génie génétique, puis mesurer les propriétés du système ainsi réalisé. Suppo-sons qu'il mesure, entre autres propriétés, un cycle de deux heures. Ce résultat expérimental va lui permettre Programme d'épigénomique, > La biologie intégrative connaît actuellement un profond renouveau avec la montée en puis-sance de la biologie systémique qui explore la logique du vivant et de la biologie synthétique qui l'exploite.
CITATION STYLE
Képès, F. (2009). Biologie synthétique et intégrative. Médecine/Sciences, 25, 39–42. https://doi.org/10.1051/medsci/2009252s39
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