L’ouvrage de Jack Goody, La Raison graphique. La domestication de la pensée sauvage (1979 [1977a]), est très rapidement devenu un classique des sciences sociales – sciences scripturales avant tout. Or, l’anthropologue propose de considérer le langage écrit moins comme un code fonctionnel plus ou moins sophistiqué de transcription de la parole que comme un mode de (re-)production spécifique de la pensée. Les analyses de cet ordre graphique (manuscrit, imprimé, numérique) tendent à mettre en évidence comment la structuration tabulaire et l’ordonnancement hiérarchique de la page (graphique, tableau, index, liste, etc.) informent un rapport inédit à la langue et au monde (objectivation, abstraction, distanciation, mémorisation, etc.). Toutefois, comme l’indique le titre original du livre – The Domestication of the Savage Mind, cette emprise exponentielle et multiforme de la communication écrite se fait dans des logiques d’hybridations langagières permanentes et au prix d’une nécessaire et souvent rude domestication de la pensée sauvage. La présente contribution examine quelques aspects de ces processus, historiques et éducatifs, cognitifs et sémiotiques, culturels et symboliques, en s’efforçant de clarifier ce que l’on peut entendre et attendre de cette fameuse pensée sauvage (Lévi-Strauss, 1962), largement synonyme de (dé-)raison orale.
CITATION STYLE
Privat, J.-M. (2018). Sur La Raison graphique. La domestication de la pensée sauvage de Jack Goody. Questions de Communication, (33), 299–323. https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.12581
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