D epuis trente ans, le nombre des divorces et des ruptures d'unions a considérablement augmenté et de plus en plus d'enfants voient leurs parents se séparer : c'est le cas d'un mineur sur quatre dans les générations récentes (encadré 1). De son côté, l'école a beaucoup changé au cours des dernières décennies ; elle s'est « dé-mocratisée » en s'ouvrant au plus grand nombre et la durée des études s'est fortement allongée. Entre 1985 et 1995, la proportion de jeunes d'une génération obtenant le baccalauréat a plus que doublé, passant de 30 % à 63 % [1]. Dans quelle mesure la séparation des parents perturbe-t-elle la scolarité des enfants et diminue-t-elle leurs chances d'obtenir un diplôme ? Pour mesurer les conséquences d'une désunion des parents sur la trajectoire scolaire des enfants, il faut tenir compte des facteurs de réussite scolaire que sont l'origine sociale et l'héritage culturel. À milieu social identique, les enfants des mères les plus diplômées font des études plus longues et obtiennent eux-mêmes plus de diplômes. Mais, d'un autre côté, les risques de rupture du couple parental sont plus grands lorsque la mère est très diplômée, car elle tire de cet atout une in-dépendance économique qui lui permet de mieux af-fronter les conséquences matérielles d'une séparation. En outre, les femmes les plus diplômées ont aussi des chances accrues de former une seconde union. Une réussite scolaire moindre en cas de séparation des parents Quel que soit le milieu social, la rupture du couple parental (1) est associée à une réussite scolaire plus faible * Paul Archambault a récemment soutenu une thèse sur « Le deve-nir des enfants de familles dissociées » à l'Université Paris V (http://these.archambault.free.fr) (1) Nous traitons ici des ruptures intentionnelles (hors décès). chez l'enfant (tableau 2). La séparation des parents avant la majorité de l'enfant réduit la durée de ses études de six mois à plus d'un an en moyenne. L'avantage scolaire lié à une enfance passée dans une famille favorisée du point de vue culturel et social semble fortement amoindri en cas de désunion fami-liale. Dans les milieux favorisés (le père étant cadre ou exerçant une profession intermédiaire), si la mère est diplômée du supérieur, les enfants ont très peu de chances d'échouer au bac, mais le taux d'échec double en cas de séparation : 15 % au lieu de 7 %. Si, dans ces mêmes milieux, la mère est peu diplômée, le taux d'échec augmente de 11 points : 48 % contre 37 %. Pour ce qui est d'obtenir un diplôme du second cycle uni-versitaire, les chances chutent de 45 % à 25 % si les parents ont rompu leur union. Pour les enfants d'ouvriers, les bénéfices de la sco-larisation s'apprécient différemment. L'essentiel est d'obtenir un « bagage » qui facilite l'intégration rapide au monde du travail, souvent un diplôme sanction-nant une formation secondaire technique dont les parents sont en général dépourvus. Ce cursus secondaire souffre également de la rupture parentale. Lorsque la mère n'est pas diplômée et qu'elle est séparée du père, un enfant sur deux (50 %) quitte le système scolaire sans aucun diplôme contre seulement un sur trois (37 %) lorsque les parents sont ensemble. Les chances d'accéder au second cycle universitaire sont très faibles pour les enfants d'ouvriers (3 %) et sont quasiment ré-duites à néant en cas de dissociation familiale. Chez les enfants d'employés, le niveau de fin d'études est également plus faible lorsque les parents ont divorcé. Avec une mère diplômée, la proportion de jeunes n'ayant obtenu aucun diplôme est de 22 % en cas de rupture, alors qu'elle n'est que de 11 % si les parents sont ensemble. Chez les mêmes enfants, le taux d'accès au baccalauréat chute de 23 points en cas de Numéro 379 Mai 2002 Éditorial-Séparation et divorce : quelles conséquences sur la réussite scolaire des enfants ? • Une réussite scolaire moindre en cas de séparation des parents-p. 1 • Des inégalités familiales devant l'école persistantes-p. 2 • En cause, le divorce ou le milieu familial défavorable ?-p. 3 • Encadré 1-Un nombre croissant d'enfants de familles désunies-p. 2 • Encadré 2-Les sources-p. 2 • Tendances-Naître le weekend: de plus en plus rare-p. 4
CITATION STYLE
Archambault, P. (2002). Séparation et divorce : quelles conséquences sur la réussite scolaire des enfants ? Population & Sociétés, N° 379(5), 1–4. https://doi.org/10.3917/popsoc.379.0001
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