Résumé La plupart des États contemporains sont les descendants institutionnels directs d’États coloniaux, ce qui n’empêche pas que les connaissances au sujet de ces prédécesseurs coloniaux restent maigres. Les chercheurs en sciences sociales ont eu tendance à réduire l’État colonial à l’expression de pratiques et de structures économiques. Cet article suggère que l’État colonial moderne était relativement autonome tant vis-à-vis de la société coloniale environnante que du gouvernement de la métropole, ce qui lui a permis de développer certaines des caractéristiques qui définissent un « champ » au sens que Pierre Bourdieu a donné à ce terme. Différents groupes sociaux européens entraient ainsi en compétition pour l’accumulation d’une forme spécifique de capital symbolique propre à l’État colonial, et ces conflits contribuaient à leur tour à donner forme aux politiques de l’État colonial. Cette approche permet d’expliquer pourquoi certaines colonies allemandes d’avant 1914 se lancèrent dans des génocides économiquement irrationnels (Afrique du Sud-Ouest), tandis que d’autres poursuivirent des programmes de re-traditionnalisation culturelle (Polynésie allemande), et que d’autres encore abandonnèrent la ségrégation raciale initiale pour engager des échanges civilisationnels respectueux avec les membres de la société colonisée (Qingdao,Kiaochow sous la colonisation allemande).
CITATION STYLE
Steinmetz, G. (2008). Le champ de l’État colonial. Actes de La Recherche En Sciences Sociales, n° 171-172(1), 122–143. https://doi.org/10.3917/arss.171.0122
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