C'est avec plaisir que nous avons récemment relu les "Tribunes Libres" de Ghislain de MARSILY (1994) et Jacques GANOULIS (1996), plus particulièrement leur discussion relative à une nouvelle typologie des modèles hydrologiques ainsi que leurs réflexions concernant l'analyse des incertitudes. Il nous apparaît toutefois, à la lecture de ces deux articles, qu'il subsiste encore quelques confusions ou interprétations alternatives concernant la modélisation hydrologique. Il est donc important et ceci malgré le fait que nous adhérons à beaucoup de points examinés par ces deux auteurs, de discuter encore quelques éléments de la modélisation hydrologique afin de lever certaines ambiguïtés.La distinction effectuée par de MARSILY entre les modèles conditionnés par les phénomènes observables et les modèles à base physique utilisés lorsque aucun phénomène n'a été constaté, invite à la critique eu égard aux pratiques réalisées. Par ailleurs, l'argument de GANOULIS affirmant que les modèles à base physique peuvent fournir une description valable des processus si l'on utilise des coefficients empiriques à différentes échelles spatiales et temporelles, ne résiste pas non plus à une analyse détaillée des effets d'échelle. En d'autres termes, la question soulevée par ces auteurs réside dans l'impossibilité d'utiliser une modélisation à base purement physique pour des applications pratiques, en raison de la difficulté de prendre en compte et de transcrire les caractéristiques et le comportement unique de chaque unité du paysage ou chaque sous-bassin versant. Face à cette attitude, nous pouvons affirmer aujourd'hui qu'il existe d'autres voies de réflexion en ce qui concerne l'usage de modèles dits à base physique. Affirmer que tous les lieux concernés par une modélisation distribuée ont des caractéristiques uniques est une évidence géographique. Il n'en reste pas moins que les limitations de la modélisation, exprimées par de MARSILY (1994) dans le contexte des trois principes d'unité de lieu, d'action et de temps, peuvent être mieux définies en procédant à une analyse plus fine dans le contexte de l'unicité. Les unicités expliquent en partie le développement très répandu de la modélisation par rapport à la théorie et des outils propres à des applications particulières. Force est de constater que les attentes face aux prévisions quantitatives en hydrologie ont augmenté parallèlement à l'évolution de la disponibilité et la puissance des ordinateurs. Cette évolution est toutefois due essentiellement aux avancées technologiques plutôt qu'à de réels progrès scientifiques. Pourquoi? En raison principalement des caractéristiques uniques des bassins versants. Celles-ci transcendent, à notre point de vue, toutes les théories disponibles en matière de modélisation hydrologique. De surcroît, cet aspect ne change pas si on émet de meilleures hypothèses physiques ou si on réalise des prévisions pour les variables ou "phénomènes non-observables" discutés par de MARSILY.Dans cette communication, nous tenterons une évaluation de ces questions et nous suggérerons une approche pertinente de la modélisation hydrologique pour prendre en compte le caractère unique des bassins versants.We recently had the pleasure of re-reading the Tribunes Libres of Ghislain de MARSILY (1994) and Jacques GANOULIS (1996), especially their discussions of a new typology for hydrological models and the analysis of uncertainty. It appears, however, that some confusion and alternative interpretations of hydrological modelling still persist. It is therefore important, notwithstanding our agreement with many of the authors' points, to re-examine some aspects of hydrological modelling in order to clarify certain ambiguities.A distinction made by de MARSILY, between models conditioned by observable phenomena and the physically-based models employed when no phenomena have been observed, invites criticism in terms of the practices to which it leads. GANOULIS' argument, that physically-based models can provide a viable description of processes if differing spatial and temporal empirical coefficients are used, does not stand up to a detailed analysis of the effects of scale. In other words, the issues addressed by these authors arise from the impossibility of using purely physically-based modelling in practical applications due to the difficulty of taking into account and transcribing the characteristics and unique behaviour of each unit of landscape or sub-catchment. To this we can now respond that there are now other lines of thought concerning what are known as physically-based models.Where distributed modelling is concerned, that all places have unique characteristics is a geographical aphorism. The fact remains that the limitations of modelling, expressed by de MARSILY (1994) as the three principles of uniqueness of place, action and time, can be better defined by performing more detailed analysis in the context of uniqueness. Uniqueness limitations partly explain the wide-ranging developments in modelling in respect of both the theory and tools specific to particular applications. One cannot help but notice that expectations of quantitative prediction in hydrology have increased in parallel with the availability and power of computers. This evolution, however, is essentially due to technological advances rather than real scientific progress. Why? Principally, because of the unique characteristics of catchments: in our view, catchments transcend all available theories concerned with hydrological modelling. Moreover, this does not change if better physical hypotheses are proposed, nor if predictions are made for the variables or "non-observable phenomena" discussed by de MARSILY.In this paper, we address these questions and suggest a relevant approach to hydrological modelling for taking into account the unique character of catchments.
CITATION STYLE
Beven, K., Musy, A., & Higy, C. (2005). Tribune Libre : L’unicité de lieu, d’action et de temps. Revue Des Sciences de l’eau, 14(4), 525–533. https://doi.org/10.7202/705431ar
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