Cet article propose d’analyser les répercussions de la définition du sous-champ disciplinaire constituée par la « géographie culturelle » sur la définition de l’objet géographique. Une première partie s’intéresse au contexte de la discipline, à ses incertitudes toujours actuelles quant à une définition stable de son objet. Elle conforte ce diagnostic au travers d’une approche critique des définitions de l’espace faites au cours des dernières années et destinées à stabiliser le socle théorique de la géographie. La fragilité conceptuelle du couple idéel et matériel est abordée comme l’obstacle majeur de cette stabilisation. Elle est alimentée par la distribution des compétences dans des secteurs spécialisés qui attribuent à la géographie culturelle le domaine du « subjectif ». Déclarer l’existence d’un secteur « culturel » revient ainsi à déclarer l’existence d’un objet géographique qui ne le serait pas. C’est s’appuyer implicitement sur les grands clivages fondateurs des sciences sociales au premier rang desquels figurent le couple du subjectif et de l’objectif. La deuxième partie propose d’investir le domaine le plus réservé à la compétence « culturelle », celui de l’imaginaire. En s’appuyant notamment sur les écrits de C. Castoriadis, elle développe l’idée selon laquelle le réel est toujours un imaginaire parvenu à s’incarner dans la matière. Ce principe fonde la géographie comme une science sociale de l’espace — une spatiologie ? — qui devrait enfin être en mesure de ne plus douter du contenu théorique minimal qui la distingue : l’espace est puissamment codifié, symbolisé, pour servir à la construction de nos mondes sociaux.
CITATION STYLE
Chivallon, C. (2008). L’espace, le réel et l’imaginaire : a-t-on encore besoin de la géographie culturelle ? Annales de Géographie, n° 660-661(2), 67–89. https://doi.org/10.3917/ag.660.0067
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