avec la contribution de Jean Tirole c et Étienne Wasmer d L'apprentissage au service de l'emploi E n Allemagne, en Australie, en Autriche ou en Suisse, l'apprentissage joue un rôle clé pour insérer dans l'emploi les jeunes peu ou pas diplômés. Ce n'est pas le cas en France même si les eff ectifs d'apprentis ont crû de 211 000 en 1992 à 405 000 en 2013. De fait, cette expansion a essentiellement bénéfi cié aux jeunes déjà diplômés, notamment ceux du supérieur, tandis que la proportion des apprentis sans diplôme préalable a chuté de 60 % à seulement 35 % entre 1992 et 2010. Or, c'est justement pour ces jeunes que l'apprentissage est le plus utile en termes d'insertion professionnelle. En France, le circuit de la formation professionnelle en alternance est très complexe. De nombreux acteurs y interviennent. Ces intervenants, dont les actions sont mal coordonnées, n'ont pas tous des incitations à développer l'apprentissage, surtout pour les jeunes peu ou pas diplô-més. L'Éducation nationale joue un rôle central. Cepen-dant, l'apprentissage peine encore à être perçu par les enseignants, les acteurs de l'orientation et les familles comme une solution positive d'orientation. En outre, il est diffi cile de créer des formations d'apprentissage en adé-quation avec les besoins des entreprises et des branches professionnelles : la place et le rôle des professionnels pour la conception du diplôme sont en pratique limités. Si, à travers les certifi cats de qualifi cation professionnelle, les entreprises ont la possibilité d'élaborer leur propre formation en alternance, la spécifi cité de ces dernières et leur formation générale ténue ne leur ouvrent les portes que des seuls contrats de professionnalisation. À l'inverse, le poids des enseignements généraux sanctionnés par des examens dans le cadre de l'apprentissage peut être l'ori-gine d'un taux d'abandon élevé dans l'enseignement pro-fessionnel pour les jeunes. Finalement, ni les entreprises ni les jeunes ne trouvent leur compte entre l'apprentissage, perçu comme trop exigeant en termes de formation acadé-mique et trop peu adaptable aux besoins des entreprises, et le contrat de professionnalisation, souvent trop spécifi que dans une perspective de mobilité professionnelle. Nous préconisons une réforme en profondeur des formations en alternance, pour les rendre plus attrayantes à la fois pour les jeunes et pour les entreprises. Cela passe par une modifi cation de la gouvernance de l'ensemble du système. Une instance nationale, composée de représen-tants des branches professionnelles, des ministères du Travail et de l'Éducation nationale, déciderait des orien-tations générales. Des agences de certifi cation seraient responsables du contrôle de qualité et de mise en oeuvre des formations subventionnées et les régions du verse-ment des subventions. Dans ce système, apprentissage et contrat de professionnalisation seraient unifi és ainsi que le fi nancement et la collecte. Nous proposons enfi n de concentrer sur l'apprentissage et le pré-apprentissage les moyens publics en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes peu qualifi és, de réduire la part des matières générales dans les diplômes de CAP et de promouvoir le tutorat des apprentis. Le fi nancement des établissements d'enseignement supérieur et de recherche doit passer par d'autres canaux que la taxe d'apprentissage, dans le cadre d'une réforme plus globale des modes de fi nancement de ces établissements.
CITATION STYLE
Cahuc, P., Ferracci, M., Tirole, J., & Wasmer, É. (2014). L’apprentissage au service de l’emploi. Notes Du Conseil d’analyse Économique, n° 19(9), 1–12. https://doi.org/10.3917/ncae.019.0001
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