En suivant une démarche dialectique, des pistes d'analyse sont proposées en vue de mesurer la contradiction insoluble qui oppose les vecteurs d'expansion de la mondialisation aux exigences de l'État de droit. Le problème de leur compatibilité réciproque ne peut être éludé, car les deux phénomènes reposent sur des prétentions hégémoniques, ce qui leur permet de revendiquer la prééminence dans des champs distincts. Ainsi, durant la décennie 90, la progression tangible de l'État de droit comme mode d'expression de la démocratie constitutionnelle au-delà du cercle restreint des pays occidentaux a contribué à l'universalisation latente du principe, mais aussi au développement d'une rhétorique qui l'a transformé en mythe constitutif du débat politique contemporain. Les idées (le constitutionnalisme, la démocratie politique, la « justiciabilité » des droits fondamentaux) qui alimentent le discours sur l'État de droit orientent dans une direction précise les pratiques politiques et institutionnelles des États souverains.À l'opposé, la mondialisation est associée à l'émergence d'un droit sans frontière et à la création de nouveaux mécanismes de régulation qui pourraient réduire la souveraineté des États dans divers champs qui sont de leurs compétences propres. Comme l'intégrité des droits nationaux repose en définitive sur la primauté des normes constitutionnelles, l'effectivité de l'État de droit et du constitutionnalisme peut devenir aléatoire par la multiplication des ordres juridiques en situation potentielle de concurrence. La mondialisation offre un terrain fertile pour concevoir divers scénarios où la dynamique de création des normes de même que la détermination des principes de référence ne sont plus du ressort des États. Si la présente étude montre ainsi l’exacerbation de plusieurs contradictions, elle souligne en revanche la complémentarité qui résulte du dédoublement de la limitation de l'État par les sources classiques du droit international. Entre la mondialisation de l'État de droit et son intégration corrélative à la réalité multiforme de la mondialisation, les transformations en cours montrent la nécessité d'une reconceptualisation de l'État de droit.In following dialectic reasoning, avenues of analysis are proposed to assess the insolvable contradiction that puts the vectors of globalized expansion at odds with the requisites of the Rule of Law. The issue of their reciprocal compatibility cannot be eluded because the two phenomena are based upon hegemonic premises, which allow them to lay claim to the preeminence of distinct fields. Thus, during the 1990s, the tangible progression of the Rule of Law as a means of expression for constitutional democracy beyond the limited circle of occidental countries contributed to the latent universalization of the principle, but also of the development of a rhetoric that transformed it into a myth that forms the basis of contemporary political debates. The ideas (constitutionalism, political democracy, the « juridical handling » of fundamental freedoms) that nurture discussions on the Rule of Law point the political and institutional practices of sovereign states in a specific direction.Conversely, globalization is associated with the emergence of « borderless laws » and the creation of new machinery for imposing regulations that would reduce state sovereignty in various areas currently under their exclusive jurisdiction. Since the integrity of national legal systems is solidly based upon the prevalence of constitutional standards, the effectiveness of the Rule of Law and constitutionalism may become shaky owing to the multiplication of legal systems in potential competition with one another. Globalization offers fertile ground for devising various scenarios wherein states no longer have precedence over the dynamics for creating standards or setting reference points. If this analysis highlights the exacerbation of many contradictions, it correspondingly underscores the complementarity arising from the limits of the State being outpaced by the classical sources of international law. Between the globalization of the Rule of Law and its correlative integration into the multiform realities of globalization, current transformations demonstrate the need for reformulating the Rule of Law.
CITATION STYLE
Mockle, D. (2005). Mondialisation et État de droit. Les Cahiers de Droit, 41(2), 237–288. https://doi.org/10.7202/043603ar
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