Interprétation de l'agir et saisie des dimensions didactiques dans l'analyse des pratiques enseignantes

Abstract

Cette contribution 1 vise à examiner les modalités sous lesquelles des dimensions didactiques de l'activité enseignante sont saisies dans le cadre d'analyses de pratiques outillées, c'est-à-dire dans le cadre de dispositifs délibérément mis en place pour susciter un retour réflexif des enseignants sur leur activité. La première partie de l'article rappelle brièvement la visée générale, les orientations et les dispositifs associés à l'analyse des pratiques. La deuxième partie précise le contexte de la recherche sur laquelle nous nous appuyons, le type de données examinées et le cadre méthodologique de recueil de ces données. La troisième partie présente la méthodologie d'analyse des données, résolument ancrée dans une perspective textuelle/discursive, qui réexploite le modèle de l'architecture textuelle élaboré dans le cadre de l'interactionnisme socio-discursif (voir Bronckart, 1997) en l'adaptant à l'examen des textes issus d'analyses de pratiques. La quatrième partie est centrée sur les caractéristiques du processus d'interprétation par les enseignants de leur activité, en mettant en évidence les configurations interprétatives (ou les « figures d'action ») qu'ils mobilisent dans leur discours. Enfin, la cinquième partie examine la place que ces configurations interprétatives laissent aux aspects didactiques, notamment : aux savoirs à enseigner ou enseignés, aux gestes didactiques, aux moyens d'enseignement. 1 L'analyse des pratiques : visée, orientations, dispositifs L'analyse de l'activité (ou du travail, ou des pratiques-nous reviendrons plus loin sur cette indécision terminologique) a pour caractéristique principale d'être une démarche de réflexion, effectuée par les professionnels au sujet de leurs propres activités de travail et/ou de leurs pratiques. Prenant plusieurs formes et se réalisant en divers dispositifs méthodologiques, sa visée majeure concerne la compréhension de ces activités par les professionnels au travers d'un processus de prise de conscience de (certaines des) propriétés de celles-ci ; et, sur cette base, le développement des capacités d'agir des personnes concernées, ainsi que la transformation, en principe positive, des organisations socioprofessionnelles dans lesquelles ces personnes sont impliquées. Que ce soit dans le champ de l'intervention en milieu de travail ou dans celui de la formation, cette démarche suscite actuellement un intérêt grandissant. Ses diverses formes de mise en oeuvre s'accompagnent en outre de questionnements et de développements théoriques, méthodologiques et techniques variés, mais elles sont toutes sous-tendues par le postulat de l'efficacité développementale et du pouvoir transformateur et formateur de l'acte même d'interprétation de l'agir. Notons encore que, comme le souligne Jobert, lorsqu'elle est intégrée dans des dispositifs de formation, l'analyse des pratiques contribue notablement à la mise en oeuvre d'une forme de rapport, ou d'articulation, entre deux domaines traditionnellement non reliés, à savoir le domaine du travail et celui de la formation ; cette mise en rapport exploitant fondamentalement (mais non exclusivement) le discours, ou l'activité langagière : Les pratiques formatives regroupées sous l'appellation "d'analyse des pratiques" tentent de jeter des ponts entre l'espace et le temps de l'action productive, et ceux de la réflexion de et sur l'action. Ces modalités, largement utilisées en perfectionnement des formateurs ou d'enseignants, s'efforcent d'actualiser par le discours, dans l'ici et maintenant de la situation de formation, l'acte professionnel posé avant et ailleurs.