Résumé La prose de Pascal Quignard, et plus particulièrement le polyptique Dernier royaume , présente un aspect singulier, une forme discontinue que Dominique Viart qualifie de « syncope », une forme elliptique, fragmentée, entrecoupée de silences. Cet article se propose d’observer le travail de la voix, des voix présentes dans cette œuvre — au pluriel, parce que les cas de polyphonie, via la convocation d’auteurs antérieurs, sont monnaie courante chez Quignard. En se penchant sur sa pratique de la citation, on remarque que les limites contractuelles de celle-ci sont très rapidement abolies. Cette gestion particulière de l’hypotexte participe d’une esthétique de la collection et de la recollection, définitoire du type de fragmentation à l’œuvre chez Quignard. Le motif de la liste s’avère dans cette perspective un point focal de l’écriture quignardienne (dans la mesure où l’élagage du propos régit sa composition). La liste, point de mire et dernière extrémité de la fragmentation, révèle ce double mouvement : l’abandon des structures syntaxiques en direction d’une simple juxtaposition des termes de la phrase d’une part, et de l’autre le besoin de recollection, de recomposition, de lutte contre la débâcle, d’ordonnancement. Liste d’auteurs également, ceux dont Quignard s’entoure, qu’il recopie, réutilise et auxquels il choisit de s’agréger dans un corps collectif, à la fois multiple et unique.
CITATION STYLE
Turin, G. (2009). « Entre centre et absence » : fragmentation et style chez Pascal Quignard. Littérature, n° 153(1), 86–101. https://doi.org/10.3917/litt.153.0086
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