Penser la performance, c’est réfléchir sur l’intention et la portée du geste artistique. Appliquée au flamenco, cette proposition incite à distinguer deux pratiques, et donc deux conceptions, l’une familiale, l’autre professionnelle. Cette différence repose sur la nature même de l’écoute musicale, en particulier de celle que John Blacking disait « créatrice », « avertie et précise ». Elle est aussi déterminée par la relation qui se construit entre le musicien et son auditoire sur la base du mode d’interprétation choisie ; il s’agit soit de dire le chant, c’est-à-dire de mettre en jeu une parole vraie, soit de théâtraliser cette parole sur le mode du jeu ou du défi musical, ouvert à une forme de virtuosité. Cette différence s’enracine dans un aller-retour constant, parfois distendu, entre un flamenco fondé sur la mémoire collective, familiale ou locale, et un flamenco professionnel, élaboré au rythme de ses étapes historiques. Cette différence est manifeste enfin dans la coexistence de répertoires, fruits d’héritages familiaux et d’expériences individuelles. A partir de 1989, Pedro Bacán, guitariste flamenco issu de la casa cantaora des Pinini, école « naturelle » de chant flamenco, pose un regard sans concession sur la performance flamenca afin de la défaire de toute exhibition technique. Il se tourne vers la performance familiale, conçue comme un dépassement de soi, une prise de liberté partagée. Cette expérience libre, vécue depuis l’intériorité de l’être, dans la cohésion des présences multiples, a guidé la démarche artistique de Pedro Bacán et l’élaboration d’un groupe à géométrie variable, porteur de l’« esprit Pinini ».
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Larrère, R. (2010). Le paradoxe de la globalisation. Cités, n° 42(2), 41–51. https://doi.org/10.3917/cite.042.0041
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