Quelques extraits par mots-clés de « La convivialité » d'Ivan Illich aux éditions du Seuil (1973, 162 pages) Source : http://biosphere.ouvaton.org Avenir Si, dans un très proche avenir, l'humanité ne limite pas l'impact de son outillage sur l'environnement et ne met pas en oeuvre un contrôle efficace des naissances, nos descendants connaîtront l'effroyable apocalypse prédite par maint écolo-gue. Il se peut que des technocrates soient chargés de condui-re le troupeau au bord de l'abîme, c'est-à-dire de fixer des limites multidimensionnelles à la croissance. Cette gestion bureaucratique de la survie humaine doit échouer car une telle fantaisie suicidaire maintiendrait le système industriel au plus haut degré de productivité qui soit endurable. L'homme vivrait protégé dans une bulle de plastique qui l'obligerait à survivre comme le condamné à mort avant l'exécution. Pour garantir sa survie dans un monde rationnel et artificiel, la science et la technique s'attacheraient à outiller le psychisme de l'homme. Mais l'installation du fascisme technobureaucratique n'est pas inscrite dans les astres. Il y a une autre possibilité : un processus politique qui permette à la population de détermi-ner le maximum que chacun peut exiger, dans un monde aux ressources manifestement limitées ; un processus d'agrément portant sur la limitation de la croissance de l'outillage, un encouragement à la recherche de sorte qu'un nombre croissant de gens puissent faire toujours plus avec toujours moins. Un tel programme peut encore paraître utopique à l'heure qu'il est. Si on laisse la crise s'aggraver, on le trouvera bientôt d'un extrême réalisme. Contraception Il faut que chacun apprenne le pourquoi et le comment de la contraception. La raison en est claire ; l'homme est borné par les ressources de l'écosphère, son univers ne peut admettre qu'un nombre limité d'occupants. Par la technique, il a modifié les caractéristiques de sa niche écologique. L'éco-sphère peut maintenant accueillir plus de gens, chacun moins adapté vitalement à son environnement (chacun ayant en moyenne moins d'espace, moins de compétence, moins de tradition). Sans la pratique d'une contraception volontaire et efficace, l'humanité sera écrasée par son nombre, avant même d'être écrasée par la puissance de son propre outillage. Le paradoxe est que l'homme oppose sa plus grande résistance à l'enseignement dont il aurait besoin au plus haut degré. Convivialité La convivialité sera restaurée au coeur de systèmes politiques qui protègent, garantissent et renforcent l'exercice optimal de la ressource la mieux répartie dans le monde : l'énergie personnelle que contrôle la personne. L'homme qui trouve sa joie et son équilibre dans l'emploi de l'outil convivial, je l'appelle austère. …Thomas d'Aquin définit l'austérité comme une vertu qui n'exclut pas tous les plaisirs, mais seulement ceux qui dégradent la relation personnelle. L'austérité fait partie d'une vertu plus fragile qui la dépasse et qui l'englobe : c'est la joie, l'eutrapelia, l'amitié. Croissance Dans une société riche, chacun est plus ou moins consom-mateur-usager ; de quelque manière, chacun joue son rôle dans la destruction du milieu. Le mythe transforme cette multiplicité de prédateurs en une majorité politique. En dépit de leur diversité individuelle, une commune adhésion à la croissance les réunit car leur satisfaction en dépend. Cette majorité silencieuse, gardienne des intérêts investis dans la croissance, paralyse toute action politique réelle. La désaccoutumance de la croissance sera douloureuse. Elle sera douloureuse pour la génération de transition, et surtout pour les plus intoxiqués de ses membres. Puisse le souvenir de telles souffrances préserver de nos errements les générations futures. Crise Quand un peuple perd confiance dans la productivité industri-elle, tout peut arriver, l'inversion devient vraiment possible. Les forces qui tendent à limiter la production sont déjà au travail à l'intérieur du corps social, des hommes et des femmes condamnent une croissance qu'ils jugent destructrice. Gageons que leurs voix se feront mieux entendre quand la crise de la société surproductive s'aggravera. Ce sera la première crise mondiale mettant en question le système industriel en lui-même et non plus localisée au sein de ce système. Cette crise obligera l'homme à choisir entre les outils conviviaux et l'écrasement par la méga-machine, entre la croissance indéfinie et l'acceptation de bornes multidimen-sionnelles. La seule réponse possible : établir, par accord politique, une autolimitation. La survie du Bangladesh dépend du blé canadien et la santé des New-yorkais demande la mise à sac des ressources planétaires. Le passage à une société conviviale s'accompa-gnera d'extrêmes souffrances : famine chez les uns, panique chez les autres. Pour être possible, la survie dans l'équité exige des sacrifices. Elle exige un renoncement général à la surpo-pulation, à la surabondance et au sur-pouvoir, qu'ils soient le fait d'individus ou de groupes. Cela revient à renoncer à cette illusion qui substitue au souci du prochain, c'est-à-dire du plus proche, l'insupportable prétention d'organiser la vie aux antipodes. Démographie Paul Ehrlich souligne le fait que si l'on veut honnêtement contrôler la bombe démographique et stabiliser la consomma-tion, on s'expose à être traité d'anti-peuple et d'anti-pauvre. Il insiste : « des mesures impopulaires limitant à la fois les naissances et la consommation sont le seul espoir qu'a l'humanité d'éviter une misère sans précédent. » Le surpeuplement, la surabondance et la perversion de l'outil sont les trois forces qui se conjuguent pour mettre en péril l'équilibre écologique. L'honnêteté oblige chacun de nous à reconnaître la nécessité d'une limitation de la procréation, de la consommation et de la technique. Droite/gauche La dictature du prolétariat et la civilisation des loisirs sont deux variantes politique de la même domination par un outillage industriel en constante expansion. Une interpréta-tion exclusivement industrielle permet aux communistes et aux capitalistes de parler le même langage. La politique économique socialiste se définit bien souvent par le même souci d'accroître la productivité industrielle que le chantre de la libre entreprise. Aussi longtemps qu'on attaquera le trust Ford pour la seule raison qu'il enrichit Monsieur Ford, on entretient l'illusion que les usines Ford pourraient enrichir la collectivité. La solution ne réside pas dans un certain mode d'appropria-tion de l'outil, mais dans la découverte du caractère non convivial de certains outils. Education La surproduction industrielle d'un service a des effets seconds aussi catastrophiques que la surproduction d'un bien. Les
CITATION STYLE
Jean, G. (2012). Convivialité. Urgences, (27), 63. https://doi.org/10.7202/025578ar
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