L’Analyse textuelle

  • Delbouille P
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Abstract

Paru à l’automne 1997, ce livre s’adresse prioritairement aux étudiants de Lettres ; mais la clarté des exposés, les mises à jour des connaissances théoriques et méthodologiques, et les nombreux “ exercices ” proposés en font un ouvrage particulièrement utile pour les enseignants de français des lycées, et du dernier cycle des collèges. 1. La clarté des exposés Le livre de J.-F. Jeandillou s’inscrit dans une approche linguistique des textes, et propose une synthèse réfléchie et organisée des recherches récentes dans le domaine de l’étude des textes. A cet égard, la quatrième de couverture explicite le projet, et la démarche de l’auteur. S’efforçant d’éclairer les domaines de la poétique, de la sémiotique littéraire, de la linguistique textuelle, de l’analyse de discours, de la stylistique et de la grammaire du texte, il regroupe en trois grandes parties, présentées sous l’intitulé chapitres les exposés et des études textuelles présentées en fin de partie sous l’intitulé Applications. Ces analyses, construites et claires, se fondent sur les exposés précédents. Ajoutons que d’autres textes, plus ou moins longs, éclairent et illustrent, voire résument les exposés ; échelonnés du XVIIe siècle au XXe, ils font la part belle aux XIXe et au XXe siècles, dont ils présentent de très nombreux échantillons. En revanche, la période classique est illustrée par les “ grands noms ” et les “ grands textes ”. Cette richesse de la documentation textuelle, très majoritairement littéraire, est un atout indiscutable : si l’auteur ne le précise pas dans ses intentions, la visée culturelle n’en est pas moins présente. La première partie (pp. 5-51) Le signe et la communication articule en trois chapitres. Les principes de la communication, des Eléments de sémiologie et des Fonctionnements spéciaux du signe linguistique. Elle se clôt, comme les deux suivantes, par des Applications, c’est-àdire l’étude de deux textes (de R. Queneau et L’huître de F. Ponge), appliquant les éléments d’analyse exposés précédemment. Après cette mise au point d’éléments de sémiotique littéraire et de poétique, la deuxième partie (pp. 53-106) traite de la Grammaire du texte, abordée à partir de l’énonciation, des discours rapportés et de la polyphonie, et se termine par la progression du texte et la continuité, suivies de trois Applications (Lettre de Madame de Sévigné, extrait des Chants de Maldoror, extrait de Zazie dans le métro). Quatre-vingts pages sont consacrées à des éléments de typologie, organisés en deux grandes données : Le texte comme modèle abstrait, Quelques types de textes, et reversés dans trois applications : allocution télévisée de F. Miterrand (3 décembre 1965), un extrait de La vie, mode d’emploi et un extrait de la Vénus d’Ille de Mérimée. Le premier texte permet l’analyse de la stratégie argumentative, le second BIMS 48 2 celle de la description et de l’orientation des données permettant l’interprétation, et le dernier celle de la structure narrative. Suivent une bibliographie restreinte, un index précieux, et la table des matières. En 192 pages, l’auteur atteint donc les objectifs explicités, à l’exclusion, me semble-til, de celui concernant l’analyse du discours. Etant donné la visée de l’ouvrage (étudiants, et enseignants du second degré), cette lacune ne peut fonder un reproche, compte tenu de la complexité et de la mouvance de ce domaine de recherche, d’une part, et d’autre part du fait que les concepts de discours et de texte font l’objet de mises au point pertinentes et claires, qu’on gagnerait à diffuser, notamment au regard des “ nouveaux programmes ” scolaires de français. 2. Des connaissances mises à jour Les exposés, clairs et fondés, ne se contentent pas de renvoyer explicitement aux “ grands auteurs ”. Des analyses précises de leurs écrits permettent en effet de définir et de situer les enjeu. Ainsi de l’énonciation historique dégagée par Benveniste dans son opposition structurelle à l’énonciation discursive : sa réduction couramment effectuée à récit, notamment dans les manuels de grammaire scolaire, est relevée et commentée. Les glissements de l’énonciation aux énoncés produits, et à leur typologie, récit étant souvent glosé par narration et texte narratif, sont ainsi relevés, et les erreurs de domaines expliqués. Ce faisant, J.-F. Jeandillou fait oeuvre de didacticien, en éclairant les points de vue théoriques, et leurs applications, ainsi que les déviations et erreurs entraînées par des à-peu-près et des glissements de points de vue. Ces mises au point ne s’expliquent pas par un sectarisme linguistique de mauvais aloi ; celle évoquée cidessus précède les apports théoriques et méthodologiques dus à G. Genette, qui se trouvent ainsi mis en perspective, et situés par rapport à une approche énonciative strictement linguistique. Il ne s’agit ici que d’un exemple, illustratif à mes yeux, d’une pratique constante tout au cours du livre, exposé par exposé. Précisons que la fermeté des exposés s’accompagne de la clarté, qui en garantit la lisibilité. Ce livre, savant, sait ne pas exhiber son savoir et se rendre accessible et immédiatement utilisable. Les Applications, qui concluent chaque partie, en font un ouvrage efficace. S’en tenant strictement aux objectifs annoncés d’entrée de jeu, elles présentent les modes d’emploi des exposés, de façon à la fois regroupée et organisée. Ce faisant, elles contribuent à éclairer la méthodologie d’analyse et la différence entre des études formellement construites, et le “ vrac ” de l’explication de texte linéaire. Elles permettent aussi de préciser les enjeux de l’étude des “ écritures ”, et de valider les points de vue fondateurs de ces analyses. S’écartant ainsi des propos généraux et flous, elles permettent d’appréhender les exigences requises par l’étude des textes, et l’importance de s’attacher à sa “ texture ”, autrement dit à sa “ matérialité ”. Quant aux textes, qui privilégient à bon droit la “ modernité ”, et dont on a signalé la portée dans la formation d’une culture ; s’ils paraissent trop peu “ classiques ” (?) aux enseignants du secondaire, rien ne leur interdit de les compléter, quitte à comparer l’argumentation chez Montesquieu et chez Mitterrand ! BIMS 48 3 3. Quelques regrets : lacunes et oublis La rigueur et les exigences de l’auteur vis-à-vis de lui-même et de son ouvrage ne rendent que plus curieuse l’absence d’une référence théorique précieuse, tant dans les exposés que dans la bibliographie. Il paraît en effet étrange de présenter les fonctionnements des discours rapportés, ainsi que les analyses fines de connotations autonymiques, ou encore les gloses “ méta-... ” ponctuant certains textes, en omettant de prendre comme base les travaux de J. Authier-Revuz. Si l’ouvrage publié à partir de sa thèse peut paraître peu immédiatement accessible au public visé, en revanche de nombreux articles sont disponibles et accessibles (citons, pour mémoire, des articles publiés dans des revues aussi connues que sont Langue française ou L’Information grammaticale). De même la sémantique pèse peu dans le poids général du livre, ce que confirme la bibliographie “ restreinte ”. Les modes de construction référentielle, d’une part, et les fonctionnements lexicaux en discours, par exemple, ont fait l’objet de nombreuses études. Là encore l’alourdissement de la bibliographie par l’ajout de trois noms et d’articles accessibles serait précieux : citons ceux de G. Kleiber d’une part, et de M.- F. Mortureux (les paradigmes désignationnels) de l’autre (articles in langue française et Langages), et renvoyons les lecteurs du livre à l’excellent Que sais-je? d’I. Tamba, consacré à La sémantique. 4. En guise de conclusion Il serait regrettable que ce livre ne rencontre pas un vaste public auquel il rendra de très grands services. Ajoutons-en un : la lecture des textes sélectionnés par son auteur nous sort des “ textes canoniques ” ; ses choix personnels, la place qu’il réserve notamment à Queneau, mais aussi à Pérec, et l’utilisation, discrète mais savoureuse, qu’il fait de sa propre spécialité de recherche (J.-F. Jandillou est notamment l’auteur de deux livres consacrés aux Supercheries littéraires et à l’Esthétique de la mystification) garantissent un réel plaisir à ses lecteurs.

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Delbouille, P. (2012). L’Analyse textuelle. Études Littéraires, 5(2), 169. https://doi.org/10.7202/500235ar

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